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Le mystère du verger des Cayols (Antoine) Le verger des Cayols, c’est un terrain d’oliviers, que mon oncle François cultive dans cette Provence si jolie en toutes saisons. Au printemps, ce sont les amandiers et les genêts qui colorent toute la colline. En été, le chant des cigales se mêle à celui des oiseaux. Il y a même « Couture », le gros lézard vert qui se chauffe sur les souches. Les olives arrivent à maturité quand les feuilles sont tombées. Et l’hiver, le ciel est si bleu à cause du mistral. Tonton range ses outils dans le cabanon en pierre qui a été construit au siècle passé, par l’ancien propriétaire de la vigne, juste au-dessus. J’entends souvent mon oncle dire : « C’est un petit coin de paradis, ce verger ». C’était un petit coin de paradis jusqu’à ce jour de l’hiver. Le mistral soufflait encore plus que d’habitude. Les oliviers en tremblaient de peur, les pauvres ! Et nous avions du mal à tenir debout, tant les bourrasques étaient violentes. J’accompagnais tonton vers le verger, en vue de la récolte des olives. « Sacrebleu », marmonna-t-il. Que se passe-t-il ? La porte du cabanon était grand ouverte et à l’intérieur, régnait un désordre indescriptible. Tous les outils étaient dispersés et, horreur ! le sol était couvert de sang. Une énorme flaque de sang. « Ne touche à rien, me dit mon oncle. Nous allons prévenir la police ! » J’avais des frissons dans le dos, tout en pensant qu’un crime avait pu se produire là. Le voisin : c’est le berger. Le berger des Calans. Il est tout barbu et il connaît tout le monde dans la vallée. Même un commissaire de police, qui s’occupe d’affaires criminelles à Paris, et qui vient ici se reposer, dans le hameau, au bout du chemin. « Venez, nous dit-il, allons le voir, il va résoudre cette énigme en un rien de temps ». C’était un homme sévère et sérieux. Cela va l’occuper disait le berger. Ah il a été occupé ! Plus d’une semaine, jours et nuits il a enquêté sur tout le territoire. Les Alpilles étaient quadrillées par les gendarmes et dans les mas, le soir, on fermait la porte à double tour de peur de se retrouver nez à nez avec « l’assassin du verger des Cayols ». Ah le pauvre commissaire, « Magret » comme ils l’appellent ici, s’il avait pu voir les petits plis aux angles des yeux malicieux de Louis, le berger lorsqu’il nous racontait la blague qu’il avait faite « au parisien ». S’il avait entendu Lambert, l’ami du berger, oléiculteur et chasseur de gros gibier, nous raconter que le sanglier tiré la veille s’était échappé malgré les deux balles qui, il en était sûr, l’avaient touché. C’est ce jour d’hiver, le samedi matin, en voyant la porte du cabanon ouverte et croyant à un cambriolage qu’il a découvert que le sanglier était venu s’y réfugier pour y mourir. Si un jour vous passez au petit hameau à coté du verger des Cayols, ne dites pas que vous savez. : la chasse était fermée…
Antoine |